Le Pakistan réduit-il les coûts du projet CECP

Le gouvernement pakistanais du parti Tehreek-e-Insaaf (PTI), dirigé par Imran Khan, avait déclaré qu’il examinerait les projets du Corridor Économique Chine-Pakistan (CECP) afin de renforcer la transparence et de le débarrasser de la corruption. Dans le cadre d’un examen approfondi de milieu d’année du Programme de développement du secteur public (PDSP) qui doit démarrer plus tard ce mois-ci, le gouvernement  parti Tehreek-e-Insaaf est prêt à supprimer des centaines de projets de la liste des priorités du CECP, les qualifiant de “motivés par la politique”. Le gouvernement a déjà décidé de mettre de côté une importante centrale à charbon, le “Projet Yar Rahim Khan”, qui peut constituer un choc majeur pour l’Initiative globale de «Belt and Road» de la Chine (BRI ou OBOR), en particulier du CECP.

Imran Khan a maintes fois reproché au gouvernement précédent les dégâts causés à l’économie pakistanaise en le surchargeant de prêts énormes. Il a maintenant pour mission de réduire le fardeau en modifiant les projets du CECP. Le projet d’energie Yar Rahim Khan de 1 320 MW, est la récente décision de sa politique de réduction des coûts.

Il convient de noter que lors de la 8ème réunion du Comité de coordination mixte (CCM) tenue en décembre 2018 à Beijing, une délégation pakistanaise menée  par son ministre de la Planification et du Développement, Makhdoom Khusro Bakhtyar, a officiellement proposé de supprimer de la liste CECP, la centrale Yar Rahim Khan à combustible importée. Beijing a été officiellement informée qu’Islamabad peut générer suffisamment d’électricité pour répondre aux besoins locaux au cours de quelques prochaines années. Le Pakistan a également réitéré sa demande à la Chine de retirer le projet de la liste de projets du CECP. Pourquoi Imran Khan réduit-il les projets du CECP alors qu’il s’agit en réalité du plus important projet de réaménagement des infrastructures mené par la Chine au Pakistan?

Le projet Yar Rahim Khan basé au Pendjab a été initialement proposé et poussé par la  société d’énergie Thermique Quaid-i-Azam du gouvernement pakistanais du Pendjab, dirigée par l’ancien ministre en chef Shahbaz Sharif.

Imran Khan a déjà expliqué que le gouvernement précédent manquait de transparence en ce qui concerne les accords et les transactions liées aux projets du CECP. Afin de prouver son cas que ce projet était motivé par des considérations politiques et visait à procurer des avantages à certains hommes politiques et à des magnats des affaires au Pendjab ; il a ordonné de le supprimer de la liste des priorités du CECP.

Deuxièmement, M. Khan modifie les projets du CECP afin de transférer des fonds pour les projets ambitieux promis dans son manifeste électoral. L’un des plus remarquables est le« Programme de logement Naya Pakistan », qui vise à construire cinq millions de logements pour des personnes appartenant aux couches les plus défavorisées de la société. L’emprunt d’argent auprès du Fonds monétaire international (FMI) sera assorti de conditions, notamment lorsque les États-Unis avertissent que l’argent du FMI ne doit pas être utilisé pour rembourser des emprunts chinois.

Ainsi, Islamabad utilise une politique à deux facettes; en coupant les projets, il essaie de se concentrer davantage sur son propre programme pour améliorer le cadre de vie du peuple et renforcer l’économie du Pakistan. D’autre part, en formant le comité d’examen et en mettant de côté le projet Yar Rahim Khan, il signale aux États-Unis et au FMI que le Pakistan est prêt à renégocier les conditions de l’engagement avec la Chine sur le CECP, si le FMI envisage d’affecter de l’argent au Pakistan sans conditions.

La partie chinoise n’a pas trop insisté sur la question et a pris une mesure très prudente  en suggérant que le Pakistan et la Chine devraient avoir au plus tôt une étude commune sur l’optimisation du bouquet énergétique. Jusqu’à présent, le gouvernement dirigé par le parti Tehreek-e-Insaaf n’a pas réussi à définir une politique de CECP dans son discours narratif général. À l’instar du projet Yar Rahim Khan, si le Pakistan supprimait de la liste des priorités du CECP, encore d’autres  projets prévus, la Chine pourrait décider de modifier sa politique en matière de CECP vis-à-vis du Pakistan. Mais le problème est  que le Pakistan peut-il se permettre de coincer la Chine à ce moment crucial lorsqu’il  fait lui-même face à une crise économique énorme?

 Texte du Dr. Zainab Akhter, associé de recherche,   Centre de l’Asie de Sud , IDSA

Traduit et Lu par Savita P.Taneja