LA CHINE A BESOIN DE COOPERER

Après les attentats terroristes meurtriers perpétrés à Pulwama le mois dernier, on espérait beaucoup que la Chine ne bloquerait pas la candidature de l’Inde visant à désigner le chef du Jaish-E-Mohammed (JeM) Masood Azhar comme terroriste mondial aux termes du Comité de sanctions 1267 du Conseil de Sécurité (CSNU) sur Al-Qaïda. Cependant, la décision chinoise est une surprise compte tenu du fait que non seulement le JeM d’Azhar avait revendiqué la responsabilité des attaques de Pulwama du 14 février, mais que le rôle d’Azhar en tant que cerveau des attentats du 26/11 à Mumbai a également été établi.
En dépit des initiatives diplomatiques prises par l’Inde pour améliorer les relations avec la Chine et développer une compréhension commune de la menace mondiale du terrorisme, la Chine a bloqué pour la quatrième fois sa candidature au Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’interdiction a été soutenue par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, entre autres. Pour défendre sa position, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que la décision était fondée sur des motifs techniques et que “la Chine veut plus de temps pour étudier la question afin que les parties concernées aient le temps de dialoguer et de se consulter”. Alors que la position de la Chine sur la question n’a pas changé depuis plusieurs années; le fort soutien diplomatique de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis, de la France et du Japon, entre autres, constitue un succès remarquable pour l’Inde. Le commentaire d’un diplomate américain après la réunion de l’ONU est significatif à cet égard. Il a déclaré que si «la Chine continue de bloquer cette désignation, les pays membres responsables pourraient être contraints de poursuivre d’autres actions au Conseil de Sécurité».
La décision chinoise montre que Beijing adopte une approche sélective en matière de lutte contre le terrorisme. La décision démontre également que la Chine considère le Pakistan comme un allié stratégique à tous égards. Il a été dit que le changement de position de la Chine aurait un impact sur la soi-disant “amitié tous temps” entre la Chine et le Pakistan.
Il convient de noter que la plupart des organisations terroristes opèrent à partir ou à proximité du Cachemire occupé par le Pakistan. L’appui de la Chine aux efforts de l’Inde vis-à-vis de la société JeM alimenterait ses craintes que cette dernière s’attaque au Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), le projet phare de la Belt and Road Initiative (BRI). La Chine a investi environ 60 milliards de dollars américains dans le projet reliant la province du Xinjiang au Baloutchistan au Pakistan.
En empêchant à maintes reprises le chef du JeM d’être considéré comme un terroriste mondial «classé par l’ONU», la Chine tente de saper la lutte de l’Inde contre le terrorisme. Cela témoigne de l’aversion de la Chine à jouer un rôle dans la promotion de la paix et de la stabilité régionales et dans la lutte commune contre le terrorisme.
Il est intéressant de noter que la Chine a cessé de persuader l’Inde de rejoindre la BRI. Le deuxième Forum route et ceinture (BRF) devrait avoir lieu en avril 2019. La Chine a convaincu l’Italie, parmi d’autres pays, de signer le protocole d’accord sur la BRI. Malgré la suspension des projets dans le cadre de la BRI en 2018, le premier ministre malaisien, le Dr Mahathir Mohamad, assistera également au 2e BRF le mois prochain. Cela montre que Beijing a commencé à se tourner vers d’autres pays pour assurer la crédibilité de la BRI.
L’Inde et la Chine doivent faire face à plusieurs problèmes bilatéraux. Les deux pays ont déjà un différend de longue date sur les frontières, qui ne semble pas être résolu de si tôt. De plus, le déficit commercial croissant est un irritant pour les relations entre les deux pays. L’Inde est victime du terrorisme depuis des décennies et le terrorisme parrainé par l’État demeure une préoccupation majeure pour l’Inde. Néanmoins, certaines initiatives de la Chine ont conduit à un déficit de confiance et pourraient contraindre l’Inde à renforcer sa détermination d’augmenter la coopération avec des pays partageant les mêmes idées dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes et à tous les niveaux.
Si l’engagement de la Chine à travailler avec l’Inde ne se traduit pas en action; des efforts tels que le Sommet de Wuhan et d’autres mesures de confiance entre l’Inde et la Chine pourraient ne pas avoir beaucoup d’importance à long terme. Le terrorisme est un défi majeur pour l’Inde. En tant que puissance régionale responsable, il est impératif que la Chine comprenne les préoccupations de l’Inde face au terrorisme pour améliorer ses relations bilatérales.

Script: SANA HASHMI, Analyste Stratégique sur les Affaires Chinoises et Eurasiennes
Traduction : Indrani Pushilal